« Aujourd’hui toutes les directions juridiques performantes ont bien compris qu’elles devaient s’équiper en interne ou en externe, de compétences Legal Ops »

Entretien avec Olivier Chaduteau, Associé PwC Legal Business Solutions

Pouvez-vous nous présenter rapidement votre parcours ?

A l’origine, j’ai un master en Philosophie du langage à la Sorbonne Nouvelle où j’ai étudié la linguistique, la sémantique, la sémiologie… Puis je suis parti aux Etats-Unis faire un master en marketing et speech communication à l’université de San-Jose State en Californie. Ces études m’ont ouvert les portes de directions marketing et m’ont permis de créer la fonction marketing chez Ernst & Young en 1995, puis de devenir Directeur Marketing et Business Development d’Arthur Andersen, cabinet qui n’existe plus depuis l’affaire Enron de 2002.

C’est à ce moment précis que j’ai décidé de prendre la voie de l’entrepreneuriat et que j’ai créé mon cabinet, Day One, spécialisé dans les métiers du droit et du chiffre. Durant ces 20 dernières années, Day One a travaillé sur cette niche de l’organisation, la transformation et la digitalisation des grandes fonctions juridiques et compliance des entreprises, mais également sur la stratégie, l’organisation et le développement des cabinets d’avocats, de conseil ou d’expertise-comptable… Notre équipe, alors de 10 personnes, a pu travailler dans plus de 25 pays dans le monde sur des sujets très internationaux, mais également très locaux.

Curieux et avide de connaissance, j’ai décidé en 2015 de retourner sur les bancs de l’université, plus précisément à Paris 2 – Panthéon-Assas, pour réaliser un doctorat en économie dédié à l’impact de l’innovation digitale sur le marché du droit et des directions juridiques, que j’ai soutenu en décembre 2020. En 2021 j’ai été nommé maître de conférences à Paris et en 2022, j’ai vendu mon cabinet à PwC afin de participer à ce nouvel axe stratégique mondial de la firme sur la transformation des professions et du marché du droit.


Quel est concrètement votre rôle en tant que Legal Business solution partner ?

Avec mon équipe, nous avons pour objectif de développer cette « practice » en France et au Maghreb en lien et en cohérence avec l’ensemble de notre réseau international, et d’accompagner nos clients tant d’un point de vue global que d’un point de vue local dans leur organisation, leur transformation et leur digitalisation. Nous restons totalement indépendants, comme à l’époque de Day One, et avons même gardé notre entité juridique d’origine puisque nous sommes devenus une filiale PwC Société d’Avocats. Les notions d’indépendance et de confidentialité sont extrêmement importantes pour nos clients, mais elles sont également au cœur des valeurs de PwC.

Notre « go to market » est un peu différent car si nous pouvons, comme à l’origine, être sollicité directement par des directions juridiques ou compliance, nous sommes aussi appelés par les autres services de la firme qui travaillent avec leurs clients qui ont des besoins.

Ces éléments de « cross-selling » sont bien au cœur de la stratégie de pluridisciplinarité de PwC nous permettant de développer la confiance avec nos clients en leur fournissant des solutions pérennes, collaboratives mais aussi technologiques lorsque nécessaires.


Avec le développement des IA, des legal techs… quels sont les challenges auxquels vous devez répondre ?

Plusieurs défis sont importants. Et c’est sans doute le défi humain qui est le plus important face à la rupture technologique que nous vivons aujourd’hui dans le monde.

Au sein de PwC Legal Business Solutions, nous parlons de révolution VTC. Le « V » pour la « valeur », car elle est au cœur des préoccupations de nos clients et de leurs propres clients, le « T » pour la « technologie » en tant que « facilitateur » et accélérateur d’innovations et enfin le « C » pour le « collaboratif » qui est un enjeu de tous les jours pour les entreprises qui doivent apprendre à favoriser la « smart collaboration » comme dit Heidi Gardner, Professeur à la Harvard Law School dans son dernier livre, afin de trouver des réponses concrètes et durables face à la complexité du monde tant économique que sociale ou environnementale.


Comment PwC prend en compte ces challenges dans sa politique de développement ?

Ces nouveaux défis sont au centre de notre stratégie mondiale, « The New Equation » qui a en son cœur les préoccupations ESG ainsi que l’évolution de la technologie et de l’intelligence artificielle. Nos investissements dans ces domaines se comptent en centaines de millions de dollars dans le monde et en milliers de recrutements.

Les défis d’aujourd’hui pour demain demandent une attention de tous les jours et des compétences qui doivent sans cesse évoluer, nous ne pouvons pas traiter ces sujets à la légère ou improviser comme bon nous semble ! La formation de nos équipes ainsi que le transfert des connaissances à nos clients est une seconde nature pour nous.


Comment sont implantés les IA au sein des activités de PwC ?

Comme je vous l’ai précisé, apporter des solutions augmentées par la technologie est au cœur de notre stratégie et approche. Aussi, il est de notre devoir, et intérêt bien sûr, d’être toujours à la pointe de ces sujets. Nous avons en France et au Maghreb une équipe dirigée par Philippe Trouchaud, notre Chief Technology & Products Officer, qui est vraiment au sommet de son art. Nous avons lancé en décembre notre TechLab pour montrer, tant à nos collaborateurs qu’à nos clients, ce que représentent diverses technologies comme la blockchain ou l’IA, mais aussi quels sont les usages possibles et réels autour du Web3 ou du Metavers.


Comment sont formés les collaborateurs à l’utilisation de ces nouveaux outils ?

La formation, comme je l’ai indiqué, est certainement l’axe le plus important dans le changement de paradigme que nous vivons.

Nous avons plusieurs axes, bien sûr les hard skills, mais aussi les softs skills avec des formations internes ou externes, françaises ou internationales. Nous avons aussi beaucoup de conférenciers externes qui viennent nous donner leur éclairage sur tel ou tel sujet ou tendance. Enfin, et pour revenir sur l’équipe PwC Legal Business Solutions, toute l’équipe a des objectifs et des moyens de se former, en présentiel ou en distanciel, et à l’inverse, nous avons aussi mis au cœur de nos objectifs le fait de donner des formations en externe afin de transmettre aux plus jeunes l’expérience que nous avons pu accumuler durant toutes ces années.

Se former est capital mais former les autres est pour nous une vertu cardinale, nous le devons aux générations futures.


Pouvez-vous nous donner votre définition de « Legal Ops » ?

Plusieurs définitions existent sur le marché. Cela va de « accompagner la direction juridique » à « gérer tout ce qui n’est pas juridique », à « professionnaliser la fonction juridique pour en faire un centre de profit ».

Ce qu’il faut retenir ? A mon avis ce sont les aspects : professionnaliser, transformer et accompagner la direction juridique pour qu’elle apporte toute la valeur possible à son entreprise, à ses collaborateurs et à ses parties prenantes. C’est dégager du temps pour permettre aux juristes d’être bien sur leur cœur de métier qui est de conseiller et de protéger l’entreprise et ses équipes.

Alors les sujets sont aussi variés que le planning stratégique, le budget, la communication, les politiques et les procédures de la direction juridique, la communication, les RH ou bien sûr le digital

Aujourd’hui toutes les directions juridiques performantes ont bien compris qu’elles devaient s’équiper en interne ou en externe, selon leurs moyens et leur organisation, de compétences « Legal Ops ». Et c’est bien évidemment ce que nous faisons depuis plus de 15 ans, tout d’abord au sein de Day One puis maintenant au sein de PwC Legal Business Solutions.

La direction juridique est un acteur incontournable de l’entreprise ; elle participe non seulement à la création de valeur, mais elle permet également de développer un certain nombre d’avantages compétitifs. Et la fonction « legal operations » est au cœur de cet avantage compétitif pour la fonction juridique et ses parties prenantes.

C’est un métier en très fort développement et aujourd’hui la demande est bien supérieure à l’offre. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons créé avec l’EDHEC Augmented Law Institute la toute première formation certifiante « Legal Operations » en France qui vient juste de sortir. Ces sujets sont très importants, rien n’est écrit à l’avance, tout est encore à inventer, et c’est ce qui rend notre métier passionnant…

Interview réalisée par les étudiants du L.LM de l’EDHEC Business School – Promotion 2022-2023.