« En tant qu’avocat, il nous faut trouver des différenciateurs, une valeur ajoutée à notre offre de services juridiques, de fond et de forme »

Entretien avec Sèverine Audoubert, Avocate internationale, Membre du conseil national des Barreaux, Présidente de la Commission « Nouveaux métiers du droit » au Barreau de Paris

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  1. Présentation
  2. Evolution de la profession d’avocat
  3. MyEntrepreneurbox
  4. L’Avocat est un entrepreneur
  5. L’importance de se former en continu
  6. Accéder gratuitement à la formation Avocat Mandataire Sportif avec la bourse CapFinances

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis avocate au barreau de Paris, j’ai prêté serment en 2013, après une première carrière en entreprise où j’ai été directeur des ressources humaines, puis responsable juridique dans des structures anglo-américaines. J’ai donc une double approche et double perspective des problématiques juridiques. Et également une conception moderne et très pragmatique de ce qu’est un client.

Je suis avocate en mobilité internationale et à titre accessoire mandataire en transactions immobilières et mandataire d’artistes.

Depuis le début, j’ occupe des fonctions en lien avec le design du profil de l’Avocat d’aujourd’hui et de demain, progressistes, dans plusieurs Commissions et Institutions de notre profession.

Je suis présidente de la Commission ouverte « Nouveaux métiers du droit » au barreau de Paris depuis six ans (2017), think thank qui promeut les nouveaux modes d’exercice et nouveaux champs d’activité de notre profession, avec un important focus sur les opportunités créées pour les confrères sur les dix dernières années.

Plus récemment, j’ai été élue au Conseil national des barreaux (CNB) où j’ai débuté mon mandat au 1er janvier 2021, pour trois années.

J’ y suis membre de la commission « Prospective et Innovation » qui s’intéresse à l’avenir de l’avocat, membre de la commission Règles et Usages, qui traite des sujets de déontologie de la profession, et vice-présidente de la commission communication institutionnelle du CNB.

Également Experte désignée au CCBE (rassemblant tous les barreaux Européens à Bruxelles) dans le Comité Eu, traitant des questions de mobilités d’avocats entre pays européens et des sujets de notre profession réglementée sous le prisme de la concurrence.

En 2021, j’ai fondé Myentrepreneurbox, une plateforme de formation, coaching individuel Masterclass et accompagnement aux Nouveaux Métiers et exercices de l’avocat et à l’innovation juridique plus largement.

En résumé, Avocat entrepreneur de la nouvelle génération, je suis très attachée à l’évolution de notre profession, ses enjeux, ses nouveaux défis et ses nécessaires innovations, des nouvelles activités autorisées, à la révolution numérique qui transforme notre exercice, nos modèles, nos relations avec nos confrères et nos clients, nos périmètres tant juridiques que géographiques, et étant déjà passé de l’autre côté de la force (l’Entreprise), j’ai une vision à 360 degrés de la profession d’avocat.

En tant qu’avocate, percevez-vous une évolution de la profession ? S’oriente t-elle davantage vers l’accompagnement et le conseil ?

La profession d’avocat ne cesse d’évoluer…

Initialement limitée au strict domaine judiciaire, la profession d’avocat n’a cessé depuis les années 70 d’étendre son domaine d’activité. Après avoir englobé l’activité d’avoué au tribunal, celle de conseil juridique en 1991, puis les avoués à la cour, ses missions se sont étendues à différents types de mandat et de missions particulières définies à l’article 6.3 du règlement intérieur national, suite , notamment, au rapport Darrois de 2009[1][1] : missions de justice, séquestre, fiduciaire, protection des données, lobbyiste, mandataire en transactions immobilières, mandataire d’artistes et d’auteurs, mandataire sportif, mandataire d’intermédiaire en assurance, correspondant risque intelligence économique et sécurité, délégué à la protection des données, avocat enquêteur interne….

Il convient d’être pragmatiques, la profession d’avocat subit des transformations importantes depuis plusieurs années et très crucialement depuis 2020 avec une crise sanitaire inédite et une crise économique en fond. Elle est en pleine mutation.

Renouvellement, transformation, diversification, réinvention, agilité, performance, conquête de nouveaux marchés sont autant d’expression désormais clairement associées à l’avenir de la profession d’avocat.

Il convient de s’adapter à ces changements sociétaux et changements dans notre exercice, et nous avons des possibilités prévues par notre profession et nos textes pour ce faire. Saisissons-les et ayons ce réflexe d’avocat : partout où il y a du droit il doit y avoir des avocats à l’ADN et à la déontologie rassurants, des avocats modernes, des avocats augmentés, des avocats aux compétences multiples !

Il est loin le temps où notre seul titre suffisait à légitimer notre présence et à exclure toute concurrence. Concurrence versus monopole ?

Elle évolue aussi parce que la demande de nos clients elle-aussi change au fil temps, dans le fond et dans la forme. Dans une société où les modes alternatifs de résolution des litiges seront à privilégier, le judiciaire pur perd du terrain au profit du conseil dont la proportion est grandissante.

Dans ma conception, l’avocat est un partenaire pour défendre et pour conseiller ses clients, pour anticiper les litiges et aider ses clients à construire (des projets).

Un avocat présent dès qu’un besoin de droit émerge, en amont du litige.

Vous avez fondé « Myentrepreuneurbox.com », pouvez-vous nous présenter le concept et nous dire à qui cela s’adresse ?

Concernant Myentrepreneurbox.com, il s’agit d’une offre de services créée en 2021 ( nous venons de souffler nos bougies), par des avocats en priorité, pour des avocats qui sont autorisés depuis plus de 13 ans à exercer des nouveaux champs notamment des activités de mandataires avec activité commerciale accessoire, puis depuis 2015, à proposer à leur clients ou à leurs confrères, des biens et services connexes (depuis la loi Croissance Macron et ses décrets d’application du 29 Juin 2016 qui sont nos textes de référence).

Mais pas que : la dernière née des offres de Myentrepreneurbox , Hackathon, construite autour de l’innovation juridique (avec tech ou sans tech), sa compréhension, sa communication, sa formation, le team building à mettre en œuvre dans les organisations souhaitant passer le Cap (Cab, Etudes, Structures, Réseaux…), s’adresse à tous nos clients en mode B2B et qui sont parfois nos partenaires d’interprofessionnalité (avocats mais aussi juristes, notaires, huissiers, experts comptables, CPI, Ecoles Supérieures …)

Chez Myentrepreneurbox, nous sommes des avocats agiles, à 360 degrés dont l’approche business est dans notre ADN, en ligne avec l’avocat d’aujourd’hui, moderne.

Nous aidons les confrères qui le souhaitent à passer ce Cap sous forme de 4 offres.

Ainsi nous les accompagnons à diversifier leurs activités au sein de leur cabinet soit en investissant les « nouveaux métiers » soit en développant une activité commerciale dérogatoire (dite connexe) au sein de leur cabinet, déjà existant ou soit en externalisant cette activité dans une structure dédiée, sous forme de start up.

Ce peut être avocat mandataire en transactions immobilières, par exemple, avocat mandataire sportif, avocat enquêteur interne ou délégué à la protection des données, lobbyiste, mandataire d’artistes, fiduciaire, avocat 3. 0 , avocat entrepreneur art 111…

Plus de 19 coachings thématiques sont proposés que je vous invite à aller voir sur www.myentrepreneurbox.com

Cette stimulation et accompagnement est réalisé :

• Soit sous forme de Masterclass (la crème des sessions collectives avec tips et restitutions d’expérience )

• de Coaching individuel (de 5H) pour passer le cap des 1er dossiers et poser toutes vos questions sans tabou

• de Hackathon

• ou de box de conseil juridique

En proposant également tout l’accompagnement entrepreneurial spécifique nécessaire pour développer votre business unit (ou start up si vous la structurez dans une société commerciale) : services de business plan, business model, aide au financement, association avec des investisseurs non avocats Business angles ou VC par exemple, création de site, identité visuelle, marketing, copywriter, illustration, aide au recrutement, pitch…

Je conclurais en disant :

• C’est une boite à outil à tiroirs, un véritable marketplace pour avocat entrepreneur audacieux pour son Cab et qui souhaite s’épanouir en tant qu’avocat augmenté!

• En un mot, Myentrepreneurbox c’est un accélérateur de développement de business innovant pour les avocats, tout en étant dans les clous déontologiquement !

En quoi est-ce important d’être un « avocat entrepreneur » aujourd’hui ? Est-ce une question de compétences ? de concurrence ?

Je partage le postulat selon lequel l’avocat est un entrepreneur ab initio, c’est un chef d’entreprise. Son entreprise étant son cabinet. Ce n’est pas seulement un auxiliaire de justice, de surcroit si c’est un avocat qui pratique le conseil.

C’est en effet sur le terrain du conseil que l’avocat est le plus concurrencé, sur le terrain judiciaire, il est préservé par son monopole de plaidant.

Comme tout entrepreneur, Il va donc chercher à rendre rentable son cabinet, à améliorer sa productivité, à augmenter sa visibilité.

Un entreprise ne survit que si elle a des clients, donc des utilisateurs.

C’est ce changement de paradigme qui est fondamental pour l’avocat désormais : le client n’est pas uniquement le justiciable. De surcroit, la relation client est au centre de l’activité de l’avocat d’aujourd‘hui.

Or la formation traditionnelle en Ecole d’avocat peut encore paraitre inadéquate : « on n’apprend pas à un avocat à être entrepreneur ».

Être bon technicien est une condition nécessaire mais pas suffisante au succès de son entreprise. Il faut adopter une démarche business pour s’imposer sur le marché

Il faut aussi trouver des différenciateurs, une valeur ajoutée à notre offre de services juridiques, de fond et de forme . Car nous sommes désormais des prestataires des services juridiques (et non plus des seuls sachants).

Être innovant est donc un atout concurrentiel (communiquer en langage clair, simplifier les échanges avec son client via une plateforme facile d’utilisation, en toute autonomie, proposer des services full services à son client correspondant à tous les aspects de son besoin sont des exemples d’innovation) .

Être créatif, visionnaire, stratège, communicant et bon gestionnaire de son Cab, en un mot être un avocat entrepreneur : un must have pour l’avocat moderne !

Pourquoi un avocat a-t-il intérêt à se former en continu ? Pourquoi aurait-il, par exemple, intérêt à se certifier Avocat Mandataire Sportif ?

Parce que le profil de l’avocat se modifie, s’étoffe, à l’image du profil du client et de ses usages, qui évoluent en fonction de notre société. L’avocat doit adapter ses compétences.

Parce que l’ avocat a justement une obligation de compétences selon notre RIN, il doit se former de façon continue 20 heures minimum par an.

En outre, je réitère ce que je disais précédemment, un avocat aujourd’hui est un entrepreneur, un chef d’entreprise, dans un monde concurrentiel.

Il doit de se développer lui même et développer son offre de services dépendamment de la demande du client. C’est la théorie du client centrisme et celle de la satisfaction client..

Il devra également aller à la conquête de nouveaux marchés.

S’il ne le fait pas, les potentiels marchés seront accaparés par d’autres professionnels, du droit ou pas, qui n’auront pas de scrupule.

L’avocat doit réellement avoir ce mindset audacieux et conquérant désormais et outre de bonnes compétences techniques juridiques, développer ses compétences soft skills et business.

Les nouveaux métiers notamment en sont le parfait exemple : un métier de juriste (souvent métier de raison) et une activité accessoire qui fait écho à une passion et synergique de compétences techniques, juridiques, qui sont dans notre ADN d’avocat. Les nouveaux métiers répondent à un besoin du client de l’accompagner de A à Z, en mode full services. Par exemple un joueur qui aura besoin de conseil juridique sur un contrat de transfert, son contrat de travail, la protection de ses droits à l’image, la protection de son patrimoine voire sa gestion, sa gestion de carrière, voire sa reconversion.

Des compétences multiples et non exclusivement juridiques seront nécessaires pour être cet avocat moderne, partenaire de son client.

Se former est un prérequis. Voir ces compétences certifiées est un gage supplémentaire de qualité dans l’intérêt de nos clients.

Interview réalisée par les étudiants du L.LM de l’EDHEC Business School – Promotion 2022-2023.